LA MORSURE

CAR POUR MORDRE ON NE DEMANDE PAS LA PERMISSION

  • De Marie Parent et Christophe Le Cheviller
  • Photographies : Yann Marie

TOMBER

La création artistique auprès de publics éloignés produit un objet singulier en soi, unique et spécifique, qui nous décale. Au-delà du succès du spectacle lors de sa présentation et de l’intérêt qu’il propose sur le plan artistique, c’est aussi la démarche sociale et pédagogique qui est singulière. Le projet s’appuie sur les compétences, les intérêts, les appétences propres de chacun.es et les articule à des fins de spectacle. C ‘est un peu comme si on transposait “ l’affinity therapy” à un endroit de création. Le symptôme est transformé, par la curiosité de l’encadrant.e et l’intérêt qu’il porte au sujet qu’il accompagne, en espace de création.

L’originalité du projet tient dans la façon de concevoir la place de l’encadrant adulte. Les artistes transmettent les outils et la direction du spectacle aux jeunes et aux éducateurs de la même manière. Ceci instaure une relation de confiance et un cadre sécurisant où chacun.e peut développer ses propres compétences.

Pour cette création, nous choisissons comme signifiant maître le verbe TOMBER.

Nous affectionnons les formes théâtrales dite “à tableau”. Nous construisons des trames, des structures de scènes à l’interieur desquelles les interprètes sont libres d’improviser. Ces tableaux proposent une variation sur le même thème, créant une uniformité, une cohérence d’ensemble autant que la possibilité d’un jeu dramatique. De telles formes théâtrales offrent la possibilité, de développer le temps d’un spectacle, une pensée artistique tragi-comique protéiforme.

Ce Verbe TOMBER renvoie à la première écoute à une impression négative, mais pourrait être détourné au fil de la dramaturgie, et créer autant la surprise que l’interrogation sur nos représentations pendant le spectacle. Il s'agit bien d’un des enjeux de ces propositions, qui mettent en scène des publics en difficultés, qui en eux-même, nous renvoient une image négative, liée à une certaine forme d’échec. Nous avons des idées reçues sur les publics dits spécifiques. L’intérêt est de les montrer tels qu'ils se donnent à voir mais également dans ce qu’ils ont de singuliers et de contraires à l’idée que l’on s’en fait. Travailler sur le stigmate autant que de le retourner pour s’en affranchir est un des nos objectifs sociaux et artistiques. Le mot “Tomber” parle d’un trébuchement, d’un affaissement, voire d’une disparition. Nous l'associons à une horizontalité plutôt qu’à une position où l'on se tient droit, debout. Mais que dire alors de tomber amoureux, tomber du ciel, faire tomber les murs, ou de tomber l’adversaire ? Que penser encore de la tombée de la nuit qui ouvre de nouveaux possibles ? Enfin, si l’on ne tombe jamais comment alors se relever ?